Dans un contexte de confinement prolongé où le taux de violence conjugale connaît un niveau important, rappelons que la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille a introduit des mesures particulières en réponse aux violences conjugales, alors qu’une femme meurt tous les 2 jours sous les violences de son conjoint ou ex conjoint.
Outre le renforcement des mesures de protection et d’éloignement des victimes, plusieurs mesures de ces mesures sont destinées à supprimer le droit à la pension de réversion pour les auteurs de certains crimes ou délits.
Un champ d’application qui reste limité
La pension de réversion est dorénavant refusée dans « le cas où l’époux(se), est ou a été condamné(e), pour avoir commis à l’encontre de l’époux(se) assuré(e), certains crimes ou délits ». Les faits visés peuvent être un meurtre, un empoisonnement, des actes de torture et de barbarie, des violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, des violences ayant entraîné, une mutilation, une infirmité permanente ou une incapacité totale de travail ou non, un viol ou toute autre agression sexuelle.
Cette mesure de « bon sens », devrait selon le Ministère de la Justice et en l’absence de dispositions contraires, s’appliquer aux pensions de réversion à venir mais également aux pensions déjà versées. Un simple avertissement à la caisse de retraite par les proches devrait permettre de stopper le versement.
Mais cette mesure ne paraît pas suffisante eu égard aux faits enregistrés dans notre pays.
Tout d’abord, elle ne s’applique qu’aux pensions de réversion des retraites de base (salarié(e)s, fonctionnaires, militaires, salarié(e)s et exploitant(e)s agricoles ou les professions libérales). La pension de réversion de la retraite complémentaire, hormis celle des exploitants agricoles, n’est pas visée par la loi, alors même que son obtention est plus aisée que celle du régime de base, obtenue, elle, sous conditions de revenus.
Ensuite, la loi précise que l’époux(se) ou l’ex-époux(se) doit avoir été condamné(e). Or, ces délits et crimes, sont très souvent passés sous silence. Selon l’enquête « Cadre de vie et sécurité » conduite par l’INSEE, sur la période 2011-2018, seulement 14 % des victimes de violences conjugales déclaraient avoir déposé plainte suite à l’épisode de violence ou au moins un des épisodes de violences survenus au cours de 24 mois précédents. Pire encore, selon un rapport d’octobre 2019 du Ministère de la Justice sur les homicides conjugaux, 80 % des plaintes ont été classées sans suite par le parquet.
Des violences qui touchent en majorité les femmes
Enfin, les violences conjugales touchant en immense majorité les femmes, la privation de la pension de réversion ne devrait pas toucher un panel important d’hommes. En effet, 89 % des pensions de réversion sont versées à des femmes ce qui s’explique par l’espérance de vie plus haute ou les conditions de ressources d’accès au dispositif de la réversion, les hommes ayant souvent des revenus plus élevés.
Cette mesure qui a certes le mérite d’avoir été introduite, n’est qu’une goutte d’eau dans l’arsenal juridique contre les auteur(e)s de violences conjugales. La prise de parole des victimes conjuguée à une conversion plus importante du nombre de plaintes en condamnations, restent les principales armes de lutte contre les violences conjugales.
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